Mobiliser l'intelligence collective
Mes infos, 30.03.2023,
Qualifié de « moment important et inédit » par le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, Christophe Mirmand, le lancement officiel ce 29 mars à Istres du Laboratoire territorial Industrie Fos-Berre aurait mérité un déroulement un peu plus dynamique. La rencontre s’est réduite à un enchaînement d’interventions sans autre réel échange avec la salle qu’un questionnaire sur une application mobile interactive où chacun devait répondre en un seul mot pour qualifier ses espoirs et craintes vis-à -vis de l’initiative ou ses attentes pour le territoire.
Un paradoxe quand ce "Laboratoire" unique en France est supposé installer un dialogue de vérité pour esquisser une vision à long terme « commune, intégrée et partagée » du devenir industriel d’un bassin économique stratégique, de la zone industrialo-portuaire de Fos-sur-Mer au secteur de Gardanne, en passant par les sites de Lavera ou Berre-l’Etang. Pour la première fois, une assemblée de 80 membres, composée de 30 citoyens volontaires et de 50 personnalités qualifiées (syndicats, associations, industriels, élus, administrations...) va plancher sur trois objectifs : faire connaître et partager la culture industrielle; coconstruire des lignes d’horizons sur l’avenir industriel en prenant en compte les problématiques associées de cadre de vie, habitat, logistique, transports, environnement ; et coconstruire des conditions de soutenabilité des projets afin d’éviter la levée d’oppositions d’une partie de la population concernée ou de ses représentants chaque fois qu’un investisseur veut installer une usine.
Une industrie verte pour dessein
Pour Nicole Joulia, représentante du maire d’Istres, François Bernardini, ce « Laboratoire est un véritable espoir » pour sortir enfin d’un « rapport contrasté avec les zones industrielles » et de « réactions vives et tumultueuses », en particulier en raison d’une peur croissante des impacts des installations sur la santé et l’environnement. Et pour le préfet Christophe Mirmand qui n’ignore pas les conséquences dans les esprits des catastrophes d’AZF à Toulouse ou plus récemment de Lubrizol à Rouen, les débats à venir sont une opportunité, en bâtissant ensemble les scénarii possibles, de remplacer les défiances et intolérances par une forme de confiance apaisée, apte à transformer ces sites en exemples réussis de la transition énergétique et de la décarbonation en Europe et sur la Méditerranée.
« Nous sommes confrontés aujourd’hui à des dizaines de projets désireux de s’implanter. Ce territoire est emblématique des enjeux industriels du 21ème siècle, les défis à relever sont multiples. La révolution de l’industrie verte qui se dessine va redistribuer les cartes de l’attractivité au niveau européen. Les populations devront être associées aux choix qui seront faits en toute transparence. Ce laboratoire sera ce que nous en ferons tous. »
Tourner la page d’un passé agité
Quatre séances de travail sont programmées après cette rencontre collégiale inaugurale. La méthodologie a été élaborée par Nicaya Conseil. Dès le 13 avril, un premier atelier planchera sur les "connaissances partagées" pour établir un état des lieux et des perceptions de chacun sur le territoire. Le 25 mai, le deuxième atelier posera les premières bases d’une "vision prospective partagée". Le 22 juin, une étape supplémentaire sera franchie pour définir des "orientations partagées". Enfin, le 7 septembre, seront dévoilées les "actions partagées" et leurs modalités de mise en application. Le "Lab" sera ensuite appelé à fonctionner au long cours, sur le principe du dispositif "Réponses" de dialogue sur la qualité de l’air sur le pourtour de l’étang de Berre.
Fondateur de Jaguar Network et président d’Unitel qui va construire à Istres "Quanta", un immeuble ultra- connecté à l’image du siège marseillais et veut y attirer une école d’ingénieurs, Kevin Polizzi, convié à s’exprimer en tant que président du Comité scientifique et d’experts (basé à Thecamp, à Aix), admet que cette partie ouest de l’espace métropolitain « doit évoluer dans sa pratique, sa configuration et sa stratégie ». A ses yeux, cette volonté de « culture commune » correspond déjà à un « changement de paradigme ». « Mais j’attends que la démarche fournisse une synthèse qui s’attaque au comment pour gagner du temps » afin de voir se concrétiser l’industrie du futur, performante mais respectueuse de la santé et de l’environnement.
Ce Laboratoire territorial représente un vrai pari pour « tourner la page » aux yeux du maire de Fos-sur- Mer, René Raimondi. « Les plaies ouvertes il y a 20 ans ne se sont pas refermées, dit-il. Aujourd’hui, je sens qu’il faut entrer dans une nouvelle ère d’un chemin vertueux pour laisser à nos enfants au moins un début de travail qui rende nos industries décarbonées». Une responsabilité non négligeable sur les épaules des 80 participants engagés... Et une obligation d’avancer pour lever les craintes exprimées sur le projet via smartphone de « manipulation », « greenwashing » ou « dogmatisme »...